mardi 28 février 2017

Ragdoll de Daniel Cole: Le thriller parfait..ou presque!





Quatrième de couverture:


La police découvre un cadavre composé de six victimes démembrées, assemblées entre elles par des points de suture telle une marionnette, et que la presse va rebaptiser Ragdoll, la poupée de chiffon. L'inspecteur Fawkes, qui vient juste d'être réintégré à la Metropolitan Police de Londres, dirige l'enquête sur cette épouvantable affaire, aidé par son ancienne coéquipière, l'inspecteur Baxter. Le tueur nargue la police en diffusant via les médias une liste de six noms, et en précisant les dates auxquelles il compte les assassiner. 

Fawkes et Baxter réussiront-ils à sauver ces six personnes, quand le monde entier garde les yeux braqués sur chacun de leurs mouvements ?



Mon avis:



Je pense que ce livre sera un des plus mémorables découvertes de 2017. Ironiquement, Ragdoll de Daniel Cole était à la base un scénario rejeté. L'auteur a brillamment réussi à le transformer en un roman tendu et saisissant qui ne vous lâchera pas jusqu'à la dernière page. Je ne peux vous dire comme je suis ravie que cette histoire a vu le jour.

"Le tueur Crématiste" est le serial-killer le plus prolifique de Londres, 27 jeunes filles tuées en 27 jours. Le suspect principal, Naguib Khaled, a été arrêté par l'inspecteur William Fawkes surnommé Wolf mais été déclaré non coupable. A l'annonce du verdict, Wolf perd les pédales et attaque le suspect ce qui lui coûte d'un seul coup et sa carrière et son mariage, et lui vaut un internement psychiatrique à St Anne Hospital où il apprend quelques mois plus tard l'arrestation de Naguib Khaled pour un nouveau meurtre.

Quatre ans sont passés, l'inspecteur est réintégré dans ses fonctions et voilà qu'il se trouve affecté à un cas horrible. Une scène de crime macabre à quelques pas de chez lui avec un cadavre composé de membres de six victimes différentes grossièrement recousus et sans une goutte de sang. Comble de l'horreur, ce pseudo-corps surnommé Ragdoll (poupée de chiffon en anglais) pointe de l'index l'appartement juste en face, celui de Wolf!!!
Qui sont ces victimes? Quel est le lien entre eux (parce qu'il y en a forcément un)? et surtout, quel lien avec Wolf?

Les médias sont presque immédiatement impliquées quand Andrea, une journaliste et l'ex de Wolf, reçoit des photos du Ragdoll accompagnées d'une liste de six noms avec les dates de leurs futurs meurtres.
Quel lien avec Ragdoll? Pourquoi ces personnes qui, de prime abord, n'ont aucun point commun?

Voilà que s'enclenche une véritable course contre la montre, d'un côté pour identifier les victimes composant le Ragdoll tout en cherchant des liens éventuels entre elles, et d'un autre côtés pour empêcher ces six morts annoncées, le tout au milieu de l'amorale frénésie médiatique.

Pour Wolf, c'est la première affaire dont il se charge après sa réintégration. Maintenant tout le monde guette ses moindres faits et gestes, et surtout son moindre faux-pas. Aidé par sa partenaire de toujours Emily Baxter flanquée d'un stagiaire perspicace de 25 ans nommé Edmunds, Wolf se consacre corps et âme à cette nouvelle enquête pour le moins épineuse.

Par conséquent, pas un moment de répit (encore moins d'ennui) dans cette intelligente intrigue. Beaucoup de morts inattendues, beaucoup d'humour également (ou encore plus) surprenant, et des rebondissements à satisfaire tous les amateurs du genre.

Wolf est un superbe personnage, un homme imparfait mais empathique, ceci n'empêche qu'il est une vraie bombe à retardement d'auto-destruction. Mi Rust Cole (True Detective) mi Harry Bosch (Michael Connelly), vous ne pouvez que vous y attacher.
Les autres personnages aussi sont "plus grands que la vie", complexes, bien développés et impressionnants par leur réalisme!

L'écriture et les descriptions sont glorieusement visuelles. Et j'aime particulièrement la manière dont les médias transforment toute l'enquête en une affaire de télé-réalité.

Ceci est un thriller inoubliable que vous ne voulez pas louper! Du l'humour noir en foison, des scènes de crime gores à souhait et des personnages hauts en couleur.
Il y a de la lumière et de l'ombre, un peu de SE7EN, un peu du Chuchoteur de Carrisi, et même un brin de mysticisme, le tout rapportée intelligemment et avec un humour mordant! Une formule qui garantit le succès à toute épreuve!

Pour un premier roman, l'auteur montre un talent pour le moins redoutable, Daniel Cole a désormais sa place dans le paysage immense et diversifié du thriller, encore un auteur à suivre impérativement!!


Extrait:


"Il fallu un bon moment à Wolf pour identifier ce qui était le plus déconcertant dans la scène surréaliste qui s'offrait à ses yeux : une jambe noire attachée à un torse blanc. Incapable de comprendre ce qu'il contemplait, il s'avança. Peu à peu, il remarqua les énormes points de suture qui reliaient des morceaux de corps mal assortis, la peau étirée là où elle avait été percée ; une jambe d'homme noir, une jambe blanche ; une grande main d'homme d'un côté, une main fine et hâlée de l'autre ; une chevelure noir de jais emmêlée qui retombait de manière perturbante sur la poitrine menue et couverte de taches de rousseur d'une femme. Baxter vint se placer auprès de lui, se délectant sans complexe de son écoueurement.
— Il ne t'a pas prévenu... Un cadavre certes, mais... six victimes !"












jeudi 23 février 2017

Un Cri Sous la Glace de Camilla Grebe: Une nouvelle star du thriller nordique est née!



Quatrième de Couverture:


Emma, jeune Suédoise, cache un secret : Jesper, le grand patron qui dirige l’empire dans lequel elle travaille, lui a demandé sa main. Il ne veut cependant pas qu’elle ébruite la nouvelle.
Deux mois plus tard, Jesper disparait sans laisser de traces et l’on retrouve dans sa superbe maison le cadavre d’une femme, la tête tranchée, que personne ne parvient à identifier.
Peter, policier émérite, et Hanne, profileuse de talent, sont mis en tandem pour enquêter. Seul hic, ils ne se sont pas reparlés depuis leur rupture amoureuse dix ans plus tôt. Et Hanne a aussi un secret : elle vient d’apprendre que ses jours sont comptés.

S’ensuit un double récit étourdissant où chaque personnage s’avère cacher des zones d’ombres. À qui donc se fier pour résoudre l’enquête ?




Mon avis:


Je ne suis même pas sûre de pouvoir désigner précisément ce que c'est, mais il y a quelque chose de très différent dans cette histoire intelligente et bien construite, comme une brise fraîche d'air nordique. Camilla Grebe va vous prendre par la main et vous faire descendre dans un chemin qui semble évident, mais est loin de l'être. C'est l'obsession dans ce qu'elle a de plus sombre!!


C'était peut-être la polyphonie avec ses trois perspectives très différentes, toutes racontées à la première personne, chose peu habituelle, qui semble différente en quelque sorte. Je ne peux jusqu'à présent décider quelle voix est ma préférée, chacune d'elles affichant sa propre profondeur et ses propres états d'esprit. 

De ces trois narrateurs on rencontre d'abord Peter, inspecteur principal enquêtant sur le meurtre d'une femme non identifiée trouvée décapitée, avec la tête orientée vers la porte, dans la maison d'un célèbre et mystérieux PDG d'une chaîne de prêt-à-porter, Jasper Orre. 
Pour une fois, le détective, quoique solitaire et un peu mal dans sa peau, n'est ni un alcoolique déchaîné ni un psychotique luttant constamment contre ses démons intérieurs, c'est rafraîchissant et il n'en démeure pas moins attachant.

Puis il y a Hanne, une ancienne profileuse criminelle appelée pour apporter son aide dans cette affaire car elle a travaillé sur une enquête semblable avec la même disposition du cadavre il y a dix ans, l'ancienne affaire étant toujours non élucidée. Ici aussi on est très loin du cliché. Hanne a 59 ans (ce qui est en soi original), a une vie conjugale dénuée d'amour et de bonheur et, cerise sur le gâteau, lutte contre un début de démence précoce! Et bien qu'il soit son cadet de dix ans, elle et Peter avait un passé commun, une histoire d'amour fulgurante qui a fini d'une manière sordide en brisant le cœur de Hanne. Cela va donc sans dire que les retrouvailles étaient difficiles et les réunions pleines de tensions et de non-dits!


Et finalement, il y a Emma, qui est malmenée depuis son enfance, un personnage fragile et "borderline", amoureuse de son boss, le célèbre PDG Jasper Orre, qui lui répète souvent qu'ils se ressemblent dans leur solitude, chagrin, et différence des autres. Elle est prête à tout pour lui, même cacher leur relation à ses amies les plus proches. Mais la question est, pourquoi l'a-t-il abandonnée juste après l'avoir demandée en mariage? Pourquoi a-t-il disparu sans laisser de traces? Et si le cadavre décapité s'avère celui d'Emma, pourquoi l'aurait-t-il tuée? 

Je pense que nous sommes tous d'accord que l'un des points forts d'un thriller est le twist final, plus on est surpris, plus on aime! Avec celui-là on est bien servis, très bien même! Je me suis faite avoir comme une bleue, je n'ai rien vu venir, j'ai pris la claque en plein visage, et Dieu que j'ai adoré! La fin est juste parfaite pour cette lecture exceptionnellement agréable! C'est sombre, c'est psychotique, et c'est très réaliste!!


Ce roman présente ce que le thriller Scandinave a de mieux: une atmosphère vivante, un développement de personnages sans faille, et un scénario aussi original qu'intelligent! J'ai absolument kiffé cette lecture! 

Camilla Läckberg n'à qu'à bien se tenir! La nouvelle Camilla débarque, et son premier roman décoiffe! Une auteure à suivre impérativement!!




Extraits:


"La vie est étrange. Et elle n'en devient pas moins étrange à mesure qu'on prend de l'âge. On s'habitue aux bizarreries, on apprend à les accepter. L'astuce étant d'admettre une bonne fois pour toutes que la vie ne tourne jamais vraiment comme on avait pensé."

"Une enquête pour homicide, c'est exactement comme la vie : il y a un début, un milieu et une fin. Et, comme la vie, on ne sait jamais où on en est avant qu'elle soit achevée. Parfois, elle se termine presque avant d'avoir commencé et parfois, on a l'impression qu'elle continue pour toujours, jusqu'à ce qu'elle périclite ou qu'elle soit classée sans suite.
La seule différence, c'est qu'avec les enquêtes, l'objectif est d'arriver à une conclusion le plus rapidement possible - contrairement à la vie -"

"L'espoir est une bouée de sauvetage jouissant d'une réputation surfaite à laquelle les malades sont censés s'agripper avec un sourire vaillant et reconnaissant aux lèvres. Visiblement, lâcher n'est pas seulement téméraire, mais également déloyal."






mercredi 22 février 2017

La Valeur de X de Poppy Z. Brite: Une histoire d'amour..mais pas que!


Quatrième de Couverture:


Amis d’enfance, Gary et Rickey deviennent amants à seize ans : deux adolescents en lutte contre les normes sociales, la réprobation de leurs familles et le machisme du restaurant où ils font leurs armes…

Le début des péripéties culinaires et amoureuses de Rickey et G-man avant Alcool, La Belle Rouge et Soul Kitchen.

Avec une maturité apaisée et sans rien perdre de sa personnalité hors genre, Brite signe un magnifique roman d’initiation et un portrait de sa ville plus intimiste, lumineux et réaliste que jamais.


Mon avis:


Poppy Z Brite (PZB) est l'un de mes auteurs préférés et ce, depuis que j'ai lu Drawing Blood (sang d'encre), elle n'a jamais cessé de m'épater, de ses premiers livres qui s'inscrivent dans le genre Horreur/Splatterpunk et qui ne manquait pas de scandaliser à ses écrits plus récents et plus "soft" qui ont la cuisine comme thème central avec bien sûr la fameuse ville de l'auteure, j'ai nommé la Nouvelle-Orléans. Sa plume reste une des meilleure et en matière de "storytelling", il y a pas son égale! Ses écrits, que ce soit les nouvelles ou les romans de 300 pages montre une évolution continue et toujours plus de profondeur.

Ce livre, La Valeur de X, n'est pas une exception! PZB continue de s'éloigner de ses contes d'horreur qui ont marqué ses débuts. La Valeur de X est l'histoire de Rickey et G-Man alias Gary, tous deux résidents de la Nouvelle-Orléans et meilleurs amis depuis l'école primaire. Dans les premières pages on les trouve adolescents, âgés de 16 ans chacun et plus que meilleurs amis. 
S'ils refusent de l'admettre au début (leur entourage et leurs amis étant homophobes), Gary et Rickey sont homosexuels et amoureux l'un de l'autre. Quand finalement ils le reconnaissent ils deviennent inséparables, chose qui n'enchante guère leurs familles. Les parents élaborèrent dès lors un plan pour les éloigner, envoyant Rickey à une prestigieuse école de cuisine à New York, une chance qu'il ne pouvait refuser. Les deux protagonistes auront donc à confronter les distance, la solitude, les tentations de la chair et de leur jeune âge, tout en gardant leur passion commune de la cuisine et leur rêve de s'installer un jour ensemble et d'ouvrir leur propre restaurant.

Ce livre étant une sorte de prologue à la trilogie "Liquor" qui comporte Soul Kitchen, Alcool, et la Belle Rouge (tous trois déjà parus chez Au Diable Vauvert), il convient à tous ceux qui ont déjà lu la trilogie puisqu'il relate le tout début des aventures amoureuses et culinaires de Rickey et G-Man; ainsi qu'à tous ceux qui l'ont pas encore lue puisqu'il se lit très bien en livre indépendant (one shot). Il faut quand même noter qu'arrivés à la fin on ne peut s'empêcher de vouloir retrouver nos deux protagonistes.

Une des qualités de ce roman reste bien évidemment le style d'écriture, brillant, engageant, envoûtant tout en restant réaliste, accessible et sans fioritures. Les personnages ne vont pas vous quitter de sitôt. Loin d'être parfaits, ils sont par moments maladroits, imprudents ou irritant mais à aucun moment ennuyeux ou artificiels. 
Ce roman brille également par sa maturité, s'il s'agit d'une histoire d'amour, c'est loin d'être à l'eau de rose, très loin! Il s'agit aussi d'une grande histoire d'amitié, et il s'agit d'obstacles, de religion, de conservatisme, toujours sans exagération burlesque ou recherche de sensationnel. On a l'impression de connaître les protagonistes, et même les personnages les plus secondaires sont super bien dépeints.
Un autre personnage principal est cette Nouvelle-Orléans qu'on retrouve dans toute l'oeuvre de PZB et à fortiori dans ce roman. La ville est décrite avec tous ses détails: ses rues, ses maisons, le vieux carré, ses bars, ses restaurants des plus prestigieux au plus miteux, les fast-foods, l'église, l'odeur...
Personne n'aime sa ville comme PZB, on le sent, ça transparaît à travers les descriptions qui, loin d'être longues et lourdes, nous font voyager tout en légèreté.

Ce roman est une bouffée d'air frais, convenable à tous les âges et à tous les genres de lecteurs pourvus qu'ils aiment la bonne littérature, à tous les amateur de la cuisine aussi!
A recommander sans modération, une lecture très agréable et très émouvante, et une passion d'une vie qui ne ressemble à aucune autre.

Mention spéciale à l'excellent travail de traduction (j'ai lu quelques passages en VO et je suis donc en mesure de juger) et de l'édition, très aérée, très confortable à lire, avec une superbe couverture en prime! Que vouloir de plus!


Mot de la fin: 


BIG FAT FIVE STARS!!!!!

Je pense que ça ne m'est jamais arriver jusque là! Terminer un livre puis le relire sans même prendre une pause! Comment vous en parler! C'est une histoire d'amour, mais pas que...Amour d'adolescence, amour de son meilleur ami, amour interdit par les familles et moqué par la société, amour de cuisine, amour d'une ville. On peut pas s'empêcher de tomber amoureux de ces deux adolescents et de leur ville. Leur passion commune pour la cuisine, leur détermination à être ensemble malgré et contre tous, leur refus de ce conformer, leur intégrité, leur loyauté...C'est aérien, c'est rafraîchissant, c'est inspirant, c'est surtout émouvant. Je n'ai qu'une envie, continuer avec les péripéties amoureuses et culinaires de Rickey et Gary (aka G.Man)..Que vous soyez amoureux de cuisine, de bons plats, de romances, de New Orléans, de littérature LGBT ou de bonne littérature tout court, lisez ce livre, et attachez vos ceintures. La plume de Poppy va vous faire voyager.


Mon avis en vidéo: 


Majestic Murder de Armelle Carbonel: Le MUST absolu!!!



Disclaimer: Tous les signes de ponctuation dans cette chronique ont la même signification = LISEZ CE LIVRE!!!



Résumé:


Une écorchée vive qui rêve de brûler les planches.
Un squat à fuir, un homme secret et tourmenté.
Et une audition menée par une troupe étrange dans un théâtre abandonné...
Le Majestic.

Serez-vous prêts pour la première ?

Après un « Criminal Loft » encensé par la critique, « Majestic Murder » est un thriller sombre et original, asseyant définitivement son auteure parmi les plumes majeures de la littérature noire.



Mon avis:


J'ai connu Armelle Carbonel avec Criminal Loft (Fleur Sauvage, Milady Thriller), ce programme de télé-réalité avec huit condamnés à mort et le public comme seul juge. Vous vous en doutez rien qu'avec le pitch. C'était un coup de cœur absolu!

Et donc c'est avec plaisir et beaucoup d'espérances que j'ai commencé Majestic Murder, et je vous le dis tout de suite, cette lecture a dépassé toutes mes attentes! 

(J'ai fais panne sèche sur la chronique pendant des semaines! Comment parler d'un livre aussi sensationnel sans trop en dire? Comment convaincre les gens de lire un roman où vous avez laissé quelques neurones? Je vais quand même essayer)

On se trouve donc avec Lillian, jeune camée rêvant de gloire hollywoodienne qui vit dans un entrepôt abandonné qu'elle surnomme "le royaume des désœuvrés" (car Lillian adore nommer les endroits). Dans ce squat où règne alcool et drogue, elle fera la connaissance de Seamus, un homme ténébreux et séduisant. Celui-ci trouve un jour un prospectus où une troupe de théâtre cherche deux acteurs pour jouer une pièce exceptionnelle, ils iront tenter leur chance au Majestic, un vieux théâtre abandonné. Après avoir passé une audience, ils seront embauchés pour le spectacle appelé "Au commencement était la mort", hommage à l'actrice Peg Entwisle qui s'est suicidée à l'âge de 24 ans en 1932 (personnage réel)






On va faire la connaissance donc de Allan, le metteur en scène aux méthodes pour le moins "extrêmes", Maddy l'intendante, Sarah l'accessoiriste, Clark le machiniste, un mystérieux personnage appelé "le Dramaturge" et l'enfant sans nom qui vit tapissé dans l'ombre de ce Sinistre Majestic, voyant tout et ne pouvant parler.

Dans ce huis-clos lugubre, on découvre que tous les personnages ont des facettes cachées, la psychose règne, la paranoïa, les mensonges, la démence, le narcissisme, le sadisme...il n'y a pas de gentils ni de méchants, et le seul innocent se trouve être Noname, l'enfant muet dont on ne connaîtra l'identité qu'à la fin du récit.

Comment vous parler de l'ambiance du Majestic sans trop vous dire? Comment vous parler de la fascination morbide mêlée à la peur qui m'a accompagnée tout le long de ma lecture! de ce sentiment d'oppression, de fatalisme...On suffoque, on veut respirer, mais on ne veut surtout pas sortir! 
Comment vous parler de tous ces rebondissements qui vous prennent aux tripes sans merci et vous bousculent!! L'auteure excelle dans l'art de brouiller les pistes. Dès le deuxième acte on est perdu, égaré, de théorie en théorie, d'illusion en illusion. On se laisse aller, on se laisse berner car il n'y a aucun moyen de deviner la vraie nature du Majestic, pas avant que l'auteure ne décide de la révéler.

Ce théâtre devient un personnage à part entière, je dirais même un des principaux. Fait historique: le Majestic a lui aussi réellement existé au Kansas, construit par les Frères Boller, un cabinet d'architectes en 1743. Il fermera en 1960, suite au manque de population dans la petite ville. En 1985, il était déjà inscrit au registre national des lieux historiques. Décidément, Armelle Carbonel ne cessera jamais de m'épater avec le choix de ses "endroits".
Une vrai descente en enfer, une plongée en apnée, où tout est sombre, glauque, et effrayant!


Le Majestic: le théâtre abandonné


Un des plus de ce roman reste la scène finale: grandiose, rocambolesque, mémorable, inattendue, cruelle...qui vous donnera le vertige voire des palpitations et qui vous hantera longtemps! 
Tout s'imbrique, tout prend sens, tout est lié, magnifiquement, horrifiquement lié. 

On ne peut pas lâcher ce livre une fois entamé, et on en sort pas indemne! Je vous révèle un petit secret: Majestic Murder est différent de TOUT ce que j'ai pu lire jusqu'à présent, oui tout, et pas seulement en matière de thriller!! à cheval entre thriller psychologique et horreur, cassant tous les codes du genre, un scénario à la American Horror Story, une ambiance glaçante, une construction originale, et un style d'écriture comme on en trouve rarement, soigné, soutenu, recherché, une beauté de la formule et une esthétique sans faille. De la "vraie" littérature!

Majestic Murder est aussi un vrai hommage à Shakespeare. Construit comme une pièce de théâtre avec actes, scènes et entractes, des citations de ses différentes œuvres, et jusqu'à une couverture qui n'est pas sans rappeler Hamlet.

Bref, un must absolu!! Absolu je vous dis!! et si vous n'êtes pas encore convaincu ben LISEZ CE LIVRE! Il a tout pour vous garantir une lecture mémorable! L'ambiance, les personnages, les méandres des cerveaux tordus, la folie humaine, la plume experte, le putain de twist final! Alors c'est un ordre: LISEZ CE LIVRE, vous n'allez pas le regretter, parole d'une liseuse en série!

Un grand merci aux éditions Fleur Sauvage et à la Necromancière qui mérite plus que jamais son surnom!



Mon avis en vidéo:





Extraits:


"Les mots sont des armes tranchantes capables de déchirer brutalement la réalité d'une vie misérable. Dissociés, ils semblent inoffensifs. Mais mis bout à bout, ils prennent parfois la consistance d'une obsession, qui vous entraîne là où vous ne seriez jamais allé de votre plein gré."






mardi 14 février 2017

Kind of Black: Quand le polar rencontre la musique





Oui oui j'ai donné un cinq étoiles (chose qui arrive très rarement). Ce livre m'a réconciliée avec mes premiers amours, le piano et le Jazz, et il l'a fait d'une manière...que je ne pouvais faire autrement!


Quatrième de Couverture:


À Paris, rue Saint-Benoît, il y a quelques années. Ce soir-là, le Night Tavern affiche complet. Ce temple parisien du jazz, club incontournable où les plus grands se sont déjà produits, annonce un concert étonnant. Sarah Davis, diva incontestée du milieu et star montante d'un important label américain, vient se produire avec Stan Meursault, l'un des pianistes virtuoses les plus doués de sa génération. L'affiche est idéale et le moment suffisamment rare pour attirer la presse. Tout le monde s'attend à une soirée exceptionnelle. Personne ne sera déçu. Sarah Davis ne sait pas encore qu'elle vient en France pour la dernière fois, et qu'elle ne chantera plus jamais. Le Night Tavern sera le dernier club où elle aura été vue vivante. Stan Meursault ne sait pas, lui, qu'il va rencontrer son admirateur le plus inattendu : le flic chargé de l'enquête. Ensemble, ils lèveront le voile sur ce meurtre étonnant. Et cette affaire leur rappellera que si le jazz est une musique improvisée, certaines fins sont écrites d'avance...



Mon avis:


Abandonnant Tonton le truand et ses pérégrinations, Samuel Sutra nous invite à plonger dans un univers qu’il connait bien : le JAZZ.  Car Kind of Black, dont le titre ne peut qu'être un clin d’œil à Miles Davis (Kind of Blue) est un mélange irrésistible de polar et de musique.

"Tu ne veux pas me faire écouter du Jazz,dis? Du Jazz qui me ferait aimer le Jazz?" Lire Kind of Black c'est déjà écouter du Jazz qui fait aimer le Jazz.
   
Stan Meursault, pianiste de jazz émérite mais maudit, habite dans un petit studio où le piano dévore tout l'espace. Il n'est pas à la recherche du succès, pour lui on ne vit pas de la musique, c'est la musique qui vit de nous.

Pour ce pianiste talentueux mais qui n'a jamais percé, c’est le grand jour. Il va jouer à coté de la Diva Sarah Davis au Night Tavern, le club de jazz où il joue chaque soir.

Sarah Davis, c’est la star montante du Jazz, mais aussi le grand amour de Stan qui l'a quitté il y a dix ans pour l'argent et la gloire, étant partie aux USA pour faire carrière et n’étant pas revenue depuis.

Stan a aussi obtenu le privilège de pouvoir enregistrer, grâce à un magnétophone astucieusement dissimulé, ce concert à des fins d’exploitation.

Tous les amateurs du Jazz sont là, la soirée risque d’être mémorable. Et elle l’est effectivement, mais pas dans le sens où les spectateurs l’entendent.

Stan entame de ses doigts déliés l'introduction d'If you wait too long, le tube de la chanteuse à succès, mais point d’apparition. Et pour cause; Sarah se trouve dans sa loge, un poignard dans le cœur.

Jacques est le policier qui sera chargé de l'enquête. Sa passion pour le Jazz sera un atout majeur pour lui. Plus jeune, il a appris la musique, joué en dilettante, mais n’a jamais vraiment été jusqu'au bout de ses envies. Bien qu'il soit en vacances, il accourt pour interroger les présents sur la scène du crime; à savoir Victor March, le patron de la boîte, Marianne, la serveuse amoureuse de Stan, le technicien du son, les musiciens et le pianiste Stan Meursault qu’il connait de réputation et à qui il voue une admiration frôlant l’idolâtrie. Et ce, dans l'absence suspecte de Blake l'agent et le petit ami de la Diva.

Côté intrigue, eh bien rien à redire, construction en béton, plusieurs possibles coupables, on enquête, on découvre, on élimine, on ajoute à sa liste un suspect auquel nous n'aurions pas pensé quelques pages plus haut. Bref le plaisir de lire un polar de qualité.

Les personnages sont justes et touchants sans artifices. Du pianiste doué et solitaire au flic qui aurait aimé être musicien. Les personnages secondaires sont eux aussi finement dépeints.

Voilà qui est déjà suffisant pour un bon polar avec une mention originale pour l'ambiance et le contexte. Mais là ne sont pas les seuls attraits de ce livre.

Le lecteur habitué à ce genre de roman de suspense devinera probablement l’identité du ou de la coupable, ou même l'épilogue, ça ne gâchera rien le plaisir de la lecture car il ne s'agit pas seulement de "whodunnit". Ici, ce qui importe, c’est la bande-son qui imprègne l’ouvrage.

Samuel Sutra nous joue une chanson aérienne, la prose est tout simplement belle et pleine d'émotions. Je n'ai jamais relevé autant de citations d'un polar, et quand le livre en question fait seulement 200 pages, c'est vous dire!!

On est pris dans la mélodie, l'auteur prend son temps, ne déroule pas les notes à la va-vite car "la nuance est plus importante que la vitesse". Il crée une ambiance feutrée, moite, où le rythme nous emporte plus loin que l'intrigue elle-même. On entend le son des cordes frappées du piano, les plaintes des touches, la vibration de la contrebasse...

Ce livre est écrit par un amoureux du Jazz, par un connaisseur aussi, les références artistiques foisonnent, et rien que pour ça, tout musicien ou fan ne peut que l'apprécier. Il y a même une playlist à la fin du roman avec des albums épiques que j'ai savourés (et que j'écoute là, en écrivant ma chronique).
Néanmoins, l'auteur ne se gargarise pas d’un jargon spécifique, mais reste simple et sobre, mettant sa passion à la portée de tous les lecteurs.

Bref, un excellent policier bien noir à la sauce jazzy! Qui pourrait résister? Pas moi!

Que vous soyez amoureux de la musique ou pas, Je vous invite tous à vous pencher sur cette partition qui ne laissera personne indifférent.


PS: J'ai lu ce roman en une seule journée, et il m'a fait oublier la fièvre et les maux de gorge. Merci aux éditions Flamant Noir de m'avoir permis de découvrir cette perle, et d'avoir nettement amélioré ma journée ☺


Extraits:


"Aujourd'hui, c'est juste Saint-Germain. C'est huppé à n'en plus pouvoir. Tout passe, tout lasse, sauf la lutte des classes [...] Il y a l'ombre de Sartre un peu partout et la trompette de Vian résonne encore comme un écho refusant de faiblir"

"Le jazz. C’est une musique peuplée de morts. On vit à une époque où le plus gros vendeur de disques est un DJ, où ceux qui font les plus grosses carrières chantent en play-back des titres qu’ils n’ont pas écrits et dont ils ne comprennent même pas le sens. Mon univers à moi est peuplé de gars qui ont vécu dans la misère et dont on n’a découvert le nom souvent qu’après leur mort. C’est presque un univers posthume. Je crois que c’est Nietzsche qui disait ça, que certains naissent posthumes."

"Je me perds dans cette voix, l'esprit soudain triste. Je me dis que la mort n'est pas le contraire de la vie. Le contraire de la naissance, à la rigueur. Mais rien n'est le contraire de la vie. La vie est, ou n'est plus lorsque la mort la prend."





dimanche 12 février 2017

Canicule de Jane Harper: Un thriller torride qui débarque de l'Australie




Quatrième de couverture:

Kiewarra. Petite communauté rurale du sud-est de l'Australie. Écrasée par le soleil, terrassée par une sécheresse sans précédent. Sa poussière. Son bétail émacié. Ses fermiers désespérés. Désespérés au point de tuer femme et enfant, et de retourner l'arme contre soi-même ? C'est ce qui est arrivé à Luke Hadler, et Aaron Falk, son ami d'enfance, n'a aucune raison d'en douter. S'il n'y avait pas ces quelques mots arrivés par la poste : Luke a menti.
Tu as menti. Sois présent aux funérailles. Revenir à Kiewarra est la dernière chose dont Aaron a envie. Trop vives sont encore les blessures de son départ précipité des années auparavant. Trop dangereux le secret qu'il a gardé pendant tout ce temps. Mais Aaron a une dette, et quelqu'un a décidé que le moment est venu de la payer...




Mon avis:


Un thriller Australien ça vous dit? Et un "debut novel" (premier roman)? Je vois d'ici vos mines sceptiques mais..que dites-vous d'une canicule littéraire en plein hiver? Comme ça fait du bien!!!! Vous ne le croyez pas? continuez de lire...

La première chose qui m'a subjuguée dans ce roman est la maîtrise affichée par Jane Harper, alors que les premiers romans se caractérisent généralement par l'hésitation et le "tâtonnement" l'auteure domine son sujet et contrôle le rythme. 
La construction est irréprochable, le style est prenant, les personnages sont "crédibles", les dialogues bien sentis, les rebondissements bien dosées...

Mention spéciale pour la scène d'ouverture qui est juste inoubliable, le prologue majestueux annonce le ton et dirige toute notre attention vers l'histoire qui suit.

Les événements se déroulent au sein d'une petite communauté rurale australienne où le soleil de plomb a asséché autant les sols que les âmes, et où une horrible tuerie familiale fait resurgir les vendettas oubliés et les secrets bien terrés.

Luke et Aaron ont un secret! Un secret datant de leur adolescence et qui refait surface sous la plus terribles des forme: la mort de Luke et de toute sa famille. 
Alors que tout désigne Luke, le père de famille, d'avoir massacré sa femme et son aîné (n’épargnant que la petite Charlotte âgée de quelques mois) avant de se suicider, son ami d'enfance Aaron Falk et un flic local reprennent l'enquête. 
Mais tout cela a t-il un rapport avec la mort de leur amie Ellie il y a plusieurs dizaines d'années ? Ce roman mêle avec succès deux enquêtes, deux mystères qui pourrissent sous la terre sèche de ce coin perdu.

Alors que vous pouvez deviner correctement le "whodunnit" dans les mystères actuels et passés (en raison d'un nombre limité de personnages à choisir), vous ne devinez probablement pas pourquoi.  

Ne vous attendez pas à un rythme effréné ou les suspects se bousculent et les révélations renversent. Jane Harper construit son récit en contenant la combustion jusqu'au bord de l'embrasement. J'ai adoré la façon dont elle a choisi de démêler lentement l'intrigue et sa façon d'augmenter la tension près de la fin où on reste carrément on apnée, le final étant tout aussi surprenant qu'émouvant.

Quant au milieu, je n'ai trouvé aucun artifice dans la description de cet environnement aride et impitoyable, pas d'épanchement ni de phrases farfelues,  et c'est une des nombreuses qualités du roman. 

Ce thriller vous offre un dépaysement garanti et un moment de lecture très agréable! Une belle immersion dans la chaleur torride australienne! Et la manière dont l'auteure a jonglé entre passé et présent, dévoilant les secrets longtemps cachés, instillant le doute de manière intelligente, est juste impressionnante.

Rien de très original sans doute, mais ça prouve qu'on peut faire du thriller sans trop de prises de tête, sans héros alcooliques ou paumés et même sans scènes particulièrement glauques.


Bref, Jane Harper est une auteur qu'il faut suivre de près, de très près je vous dis!




Extrait: Prologue


"À la ferme, la mort n’était pas une étrangère. Quant aux mouches à viande, elles n’étaient pas regardantes et ne faisaient guère la différence entre une charogne et un cadavre humain.La sécheresse, cet été-là, n’avait laissé que l’embarras du choix aux mouches, qui s’affairaient en quête d’yeux vides et de blessures poisseuses tandis que les fermiers de Kiewarra Bridge pointaient leurs fusils sur le bétail étique. Pas de pluie, pas de fourrage. Et l’absence de fourrage obligeait à des décisions difficiles, alors que la bourgade miroitait depuis des jours et des jours sous l’ardeur d’un ciel uniformément bleu.[...]
En tout cas, cela faisait le bonheur des mouches bleues. Même si les trouvailles fraîches étaient inhabituelles ce jour-là. Plus petites, et à la chair plus lisse. Mais quelle importance ? Elles étaient comme les autres pour l’essentiel : yeux vitreux, plaies sanguinolentes. Le cadavre de la clairière était le plus frais. Il fallut un peu plus de temps aux mouches pour découvrir les deux autres, à l’intérieur du corps de ferme, alors même que la porte d’entrée battait comme une invite. Celles qui s’aventurèrent après la trouvaille initiale, dans le couloir, furent récompensées par l’autre, dans la chambre à coucher cette fois. Celle-ci était plus petite, mais la concurrence était nettement moindre. Arrivées les premières sur les lieux, les mouches grouillaient joyeusement dans la touffeur tandis que le sang s’écoulait en flaques noires sur les tomettes et le tapis.

Dehors, le linge pendait immobile sur sa corde, desséché et raidi par le soleil. Un tricycle d’enfant gisait, abandonné, sur le chemin dallé menant à la maison. Seul un cœur humain battait encore dans un rayon de un kilomètre alentour.C’est pourquoi il n’y eut aucune réaction quand, au fond de la demeure, le bébé se mit à pleurer."





jeudi 9 février 2017

Cet été-là: Le thriller tant attendu tient ses promesses!



Merci aux éditions Sonatine de m'avoir permis de découvrir ce roman avant sa sortie


Quatrième de couverture:


Tout ce qu’on a su de cette soirée-là, c’est que Katie Mackey, 9 ans, était partie à la bibliothèque pour rendre des livres et qu’elle n’était pas rentrée chez elle. Puis peu à peu cette disparition a bouleversé la vie bien tranquille de cette petite ville de l’Indiana, elle a fait la une des journaux nationaux, la police a mené l’enquête, recueilli des dizaines de témoignages, mais personne n’a jamais su ce qui était arrivé à Kathy.
Que s’est-il réellement passé cet été là ?
Trente ans après, quelques-uns des protagonistes se souviennent.
Le frère de Katie, son professeur, la veuve d’un homme soupçonné du kidnapping, quelques voisins, tous prennent la parole, évoquent leurs souvenirs. Des secrets émergent, les langues se délient.
Qui a dit la vérité, qui a menti, et aujourd’hui encore, qui manipule qui ?
 Avec ce magnifique roman polyphonique, littéralement habité par le désir et la perte, Lee Martin nous entraîne dans la résolution d’un crime à travers une exploration profonde et déchirante de la nature humaine.


Mon Avis:


Attention! les fans de Thomas H. Cook et de l'affaire Harry Québert vont adorer!

S'il faut résumer ce roman dans un seul mot ça sera: REGRET! une vraie contemplation réfléchie sur la nature du regret, mais aussi un page-turner qu'on ne peut lâcher une fois entamé.

S'il est des romans qui brillent d'emblée par le style de l'écriture, Cet été-là en fait certainement partie. Ce qu'on pourrait prendre à tord pour de la préciosité s'avère être un soin exceptionnel apporté à la narration, sans fioritures et sans artifices.
Ce roman triste mais envoûtant hantera vos pensées des jours après l'avoir terminé.

Katie Mackey, une charmante jeune fille de neuf ans, originaire d'une famille très respectée et aisée, a disparu. L'histoire est racontée par divers locuteurs, tous habitants de la ville et tous en rapport d'une façon ou d'une autre avec cette disparition.

La vie dans cette petite ville insignifiante de l'Indiana, au cours d'un été chaud au début des années 70 est dépeinte dans ses détails les plus anodins. La disparité des conditions de vie entre riches et démunis est clairement révélée au lecteur dès le début. Certains passages relèvent même d'une vraie critique sociale car le village est scindé en deux parties, une où résident les "bourgeois" notamment le père de Katie, propriétaire de la verrerie qui est la plus grande industrie de la ville; et l'autre où habitent le reste de la population, pour la plupart ouvriers et fonctionnaires dont Mr Dee le professeur qui donne des cours particuliers à Katie, Claire la concierge sans enfants et son deuxième époux l'étrange Raymond R.

Avec une prose sans effort, l'auteur crée un monde stratifié de personnages crédibles que le lecteur vient à la fois à craindre et à aimer. Et la polyphonie du récit permet à tant de personnages - en particulier M. Dees, Claire, Raymond et Junior (le grand frère de Katie) - de véhiculer les détails de leur quotidien et leur propre sentiment de chagrin, de solitude et surtout de regret. Un des plus grands aboutissements de ce roman étant à mon avis d’emmener le lecteur à s'identifier même au plus suspicieux de ces personnages et cette idiosyncrasie qui permet de réellement cerner l'individu derrière les façades.

L'enquête en elle-même est amenée lentement, les révélations se suivent, les secrets se déterrent et la disparition, qui reste quand même le fil conducteur, accompagne en filigrane tous les aspects de la vie dans ce coin isolé, le tout est couronné par une fin originale qui, loin de me retourner l'estomac, m'a tellement émue.
Oui, dans ce roman, il n'y a pas de bon ou mauvais, pas de recherche désespérée de "sensationnel" non plus! Seulement des nuances et une responsabilité en quelque sorte partagée, avec une vraie réflexion sur la nature humaine, chose très peu commune dans les thrillers!

L'auteur a su créer des chroniques complexes, abordant les compromis et les décisions que les gens sont obligés de faire et la façon dont ils font face à l'isolement et le chagrin. Tout au long de ce roman, Martin a tissé des scènes d'auto-réflexion, de tension et de suspense qui portent le lecteur sans qu'il le sache vers la révélation finale.

J'ai beaucoup aimé cette lecture, cette panoplie de personnages avec leurs voix diverses et bien différenciées, ce style d'écriture très "littéraire", imagé, recherché et très entraînant! je n'étais pas surprise de savoir que l'auteur était nominé pour le prix Pulitzer; sa plume est vraiment des plus abouties!

Cet été-là est le récit d'un drame à travers les voix de plusieurs protagonistes, mais c'est aussi le portrait d'une époque, et d'une petite ville américaine, avec beaucoup de mélancolie et de nostalgie.

Alors si vous cherchez un roman noir poignant, subtil, sensoriel, n'hésitez plus! Vous allez adorer Cet été-là, un livre qui tient toutes ses promesses!


Mon avis en vidéo:



Extraits:


"Je suis désormais un vieil homme, et même si plus de trente années se sont écoulées, je me rappelle encore cet été et ses secrets, la chaleur et la manière qu’avait la lumière de se prolonger le soir comme si elle n’allait jamais partir. Si vous voulez écouter, vous allez devoir me faire confiance. Sinon, refermez ce livre et retournez à votre vie. Je vous préviens : cette histoire est aussi dure à entendre qu’elle l’est pour moi à raconter."

"Ca se passe ainsi avec les personnes qui sont au bout du malheur. Le tourment monte en eux, leur vie explose, et ils se retrouvent brisés à jamais."

"C’est drôle comme quelqu’un peut arriver et ouvrir votre vie, vous montrer exactement ce qu’il y a à l’intérieur. Moi, j’étais une veuve qui stockait ses larmes en prévision des jours et des nuits solitaires qui, je le craignais, m’attendaient. Mais Ray m’a embrassé la main, et j’ai su que je lui dirais n’importe quoi, que je lui parlerais de Bill et lui raconterais que vers la fin il s’était replié sur lui-même, ruminant à cause de son cœur malade. Nous avions oublié l’amour, oublié ce qui nous avait rapprochés au début. Mais tout m’était revenu le jour où il était tombé par terre."

"Relève la tête, me disait ma mère. Il n'y a rien par terre que tes pieds."






mercredi 1 février 2017

Genèse de Maxime Chattam: Fin magistrale d'une saga coup de coeur


Genèse: Septième et dernier tome de la saga Autre-Monde de Maxime Chattam, aux éditions Albin Michel


Une finale explosive! et qui tient toutes ses promesses...



Quatrième de Couverture:

Traqués par l'empereur et par Entropia, Matt, Tobias, Ambre et les leurs doivent fuir et rallier des terres inconnues pour s'emparer du dernier Cœur de la Terre avant qu'il ne soit détruit. Mais le monde souterrain qu'ils découvrent ne grouille pas seulement de dangers. Il recèle d'incroyables révélations. La guerre est proche. Les sacrifices nécessaires. L'ultime course-poursuite est déclarée. Autre-Monde s'achève et livre enfin tous ses secrets.


Mon avis:

Obligé de poursuivre leur long voyage plus au sud, là où siège selon toute probabilité le dernier cœur de la terre et donc le dernier espoir de l'humanité contre Entropia, notre trio d'adolescents Matt, Ambre et Tobias affronte des obstacles de tous les genres et des créatures toujours nouvelles.

Visant le Proche-Orient, le voyage est loin d'être calme, les confrontations se suivent et les péripéties se succèdent à un rythme effréné, sans pause, sans temps mort, ne laissant pas au lecteur le temps de reprendre son souffle et encore moins, de s'ennuyer. 

Des rencontres peu probables et des révélations inattendues permettront à nos trois Pans d'obtenir enfin des réponses complètes sur l’origine de la Tempête, leurs anciennes convictions s'avèrent fausses, la vérité est plus cruelle mais beaucoup plus simple (en plus d'être crédible). Tout s'explique, tout s'imbrique parfaitement et tout trouve sa place même ce monstrueux Ggl et le moyen de communication imaginé par les Pans (plus qu'un peu mystique). 

D'ailleurs, j'ai beaucoup aimé cette explication qui donne une profondeur sans précédent à l'histoire et une dimension sociologique voire écologique à la "tempête". La responsabilité de l'Homme dans cette mutation du monde invite à la réflexion! 

Coté personnages, il y a toujours au centre nos trois aventuriers (flanqués de leurs chiens géants); mais de nouveaux personnages font leur apparition tout le long du roman, malheureusement d’autres disparaissent, certaines pertes sont limite insupportables, je me suis même surprise à en verser des larmes. 

L'intrigue est mené à un rythme haletant, où se succèdent drames, imprévus, victoires, trahisons, combats, rencontres et révélations jusqu'à parvenir à la scène finale, tout en beauté, en apothéose, qui, à mon sens, clôture bien cette saga, de la découverte du dernier cœur de la terre à la guerre finale contre le buveur d'innocence et Ggl accompagnés par toutes les forces d'Entropia. 
Sur le coup je n'ai pas trop aimé la fin mais avec le recul, je me rends compte que ça n'aurais pas pu finir autrement!

Si Chattam est un as du polar/thriller, il s'est confirmé avec cette saga dans un registre complètement différent, la heroic fantasy, et pas n'importe comment. Â recommander sans modération à tous les amateurs du genre et des série comme Percy Jackson, Hunger Games ou même Harry Potter.

Bref, une saga coup de cœur, et un tome final qui est à la hauteur de toutes les attentes!

Mon avis en vidéo:





Extrait:

"Matt se tenait en tête, sur le dos de Plume, sa fidèle chienne, et ses mèches brunes se soulevèrent, lui dégageant la figure qui n’était presque plus tuméfiée, souvenir de son affrontement avec Morkovin. Il portait bien ses presque seize ans, et même plus encore. Il était grand, son corps s’était transformé en moins de deux ans de vie difficile, sous l’effet de son altération de force. D’un garçon hésitant et un peu naïf avant la Tempête, il s’était mué en un jeune homme au physique puissant. Son regard vif et pénétrant sondait l’horizon, en quête de la moindre information. Il n’avait plus rien à voir avec le jeune Matt Carter qui jouait aux jeux de rôle en attendant le divorce de ses parents, la boule au ventre. Tout cela lui paraissait si loin à présent.
Derrière lui, Ambre chevauchait son énorme saint-bernard. Elle aussi ressemblait davantage à une femme qu’à l’adolescente de dix-sept ans qu’elle était pourtant. Son assurance, sa maturité, son physique, tout avait explosé avec les responsabilités de cette nouvelle existence. Sa chevelure blonde aux reflets roux nouée au-dessus de sa nuque lui ouvrait le visage, étirant ses traits fins. Le Cœur de la Terre bouillonnait en elle, lentement, invisible pour le commun des mortels, et pourtant il brillait à travers ses yeux d’émeraude. Plus encore : c’était lui qui lui permettait de léviter depuis qu’elle avait perdu l’usage de ses jambes.
Tobias se tenait tout près d’elle. C’était le plus jeune de l’Alliance des Trois, et pourtant le plus marqué physiquement : une balafre étirait son sillon rose sur la peau noire de sa joue jusqu’au front, tel le sceau omniprésent de la violence de ce nouveau monde. Cela ne semblait toutefois pas entamer son enthousiasme permanent, ni affecter cet air encore un peu poupon qu’il affichait, comme s’il le revendiquait. Il ne gardait plus son bras en écharpe depuis trois jours, et la vilaine blessure n’était plus qu’un mauvais souvenir."

NB:
Pour ne rien perdre de cette magnifique saga rendez-vous sur PANCYCLOPEDIE et sur FORUMONDE