jeudi 19 novembre 2020

Inépuisable de Vivian Gornick : Notes d'une relectrice chronique

 

Titre original : Unfinished Business
Date de parution : 07/10/2020
Editeur : Payot Rivages 
Nombre de pages : 136 pages


Résumé : 

Dans ce nouveau livre, Vivian Gornick revient sur les auteurs qui ont marqué sa vie, lus et relus à différentes périodes. L'occasion pour elle de combiner son génie de lectrice et sa capacité à se raconter.
C'est la première fois que le public français pourra apprécier un de ses talents majeurs, la critique littéraire, après avoir plébiscité son travail autobiographique. A ses côtés, on arpente sa bibliothèque intime - Colette, Duras, Doris Lessing, etc. - et, en pointillés, son existence.
Un livre singulier, qui pétille d'intelligence et d'humour.


Mon avis : 

Je vais commencer par la fin. Quand je suis arrivée à la fin de cette collection d'essais littéraires ma première pensée était que j'aimerais beaucoup recevoir Vivian Gornick pour le dîner. Au-delà de son talent d'écriture, c'est une personne très intéressante. Elle et moi n'avons presque rien en commun en ce qui concerne la lecture ou la relecture, mais ça ne m'a pas empêché d'apprécier sa critique littéraire, et je n'ai pas lu un recueil de critiques aussi intéressant depuis Feu Harold Bloom. 

Pour donner un exemple sur mes divergences avec l'autrice : elle est juste très, très centrée sur les personnages, s'identifiant (trop peut-être) à eux et interprétant leurs actions comme on le ferait pour de vraies personnes faisant des choix. Par contre, personnellement, si j'ai des personnages préférés et que j'exige des personnages bien développés dans un roman, je lis plus pour le thème, le mouvement, le développement et le langage. Parfois, juste pour la poésie ou la puissance du récit. Je suis consciente que les personnages sont les vecteurs d'une certaine philosophie ou d'un certain point de vue qui était important pour l'auteur, je pense toujours à l'auteur! 

Reconnaître cette différence dans la façon dont nous abordons nos lectures était aussi intéressante : que nous pourrions lire le même livre ou regarder la même page et en obtenir quelque chose de complètement différent, selon le lecteur, c'est magnifique! Mais cela me distançait un peu de l'autrice ici, je ne me suis pas sentie très emportée et je ne me suis pas ruée sur le Dickens ou le Lessing pour le relire. Ceci-dit, Gornick a su me convaincre de relire Hardy et son Jude Obscur, parce qu'elle m'a apporté une nouvelle perspective sur les personnages principaux. Le passage avec les chats était juste hilarant et très attendrissant. 
Vivian Gornick a une sensiblité à fleur de peau mêlée à une maturité cinglante, et ce mélange m'a beaucoup séduite.


Mot de la fin :

Je sais maintenant plus que jamais qu'il existe de nombreuses façons de lire et de relire. Et je pense que si j'invite Vivian Gornick à dîner, je ne ferais que l'écouter. Un livre qui parle de livres, on adore, et surtout quand il est aussi intelligent! 



lundi 9 novembre 2020

Le Calligraphe de Hisaki Matsuura : Rêve ou Cauchemar?

Titre original : Tomoe
Date de parution : 07/10/2020
Editeur : Payot et Rivages
Nombre de pages : 300




Résumé : 

Otsuki, un ancien toxicomane qui a décroché de l'université et se laisse entretenir par des maîtresses, vit une existence de parasite à Tokyo. Une rencontre fortuite avec un ancien collègue le mène à accepter un emploi auprès d'un mystérieux maître calligraphe.
Otsuki plonge petit à petit dans un cauchemar labyrinthique, à travers les bas-fonds miteux d'un enfer urbain peuplé de personnages troubles et criminels.
Un univers étrange et sensuel qui évoque Murakami, Edogawa Ranpo, Kyotaro Nishimura ; une écriture poétique qui mène une réflexion métaphysique sur la calligraphie, la sexualité et le temps.


Mon avis:


Intrigant, sombre, claustrophobe, le Calligraphe de Hisaki Matsuura ressemble beaucoup à un mauvais rêve pendant que vous le lisez. Alors que le nihiliste Otsuki trébuche sur ce qui peut ou non être un complot conçu pour le piéger, son Tokyo noir devient de plus en plus surréaliste. 

Aucune des personnes impliquées n'est ce qu'elle semble être, aucune d'entre elles n'a à l'esprit ses meilleurs intérêts; mais là encore, il n'a pas vraiment ses propres intérêts en tête lui non plus. 
Il est attiré par une offre d'emploi mystérieuse autour d'un film pornographique pas comme les autres, puis devient obsédé par une jeune fille (qui n'est peut-être pas si jeune après tout), puis se trouve tour à tour témoin et victime. Il retourne encore et encore sur les lieux du crime même s'il sait qu'il devrait fuir, attiré contre son gré, et il se noie dans une spirale de terreur melé au désir avec un brin d'auto-destruction. Il ne sert à rien de faire demi-tour.

Je ne pourrais pas dire que c'est une lecture agréable, mais si le désagrément ne vous rebute pas et que ce qui précède semble intrigant, cela pourrait être pour vous. C'est comme une rencontre entre Dennis Cooper et Haruki Murakami. Si ce dernier est l'écrivain de l'onirique, Matsuura serait celui du cauchemardesque. Si ce roman serait un film, il serait certainement un Lars Von Trier, dérangeant, des fois incompréhensible, mais beau. 

Certainement pas pour tout le monde, mais si vous êtes adepte de littérature japonaise, si vous avez lu et aimé Haruki Murakami, Ryu Murakami ou encore Kobo Abe, ce livre est pour vous! Si vous aimez sortir de votre zone de confort et que ça vous dit d'essayer ce qui ressemble à un trip de héroïne littéraire, jetez-vous sur le Calligraphe, une lecture que vous ne serez pas près d'oublier. 


Mot de la fin:

Une expérience de lecture unique. Je ne regrette absolument pas cette aventure, et je vous invite à vous embarquez, si vous vous en sentez capable! 







mercredi 21 octobre 2020

Le Diable Tout le Temps : Noir et Sublime!

Titre original : The Devil All The Time
Date de parution : 29/02/2012
Editeur : Albin Michel
Nombre de pages : 384
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Resumé :

Dès les premières lignes, Donald Ray Pollock nous entraîne dans une odyssée inoubliable, dont on ne sort pas indemne.

De l'Ohio à la Virginie-Occidentale, de la fin de la Seconde Guerre mondiale aux années 60, les destins de plusieurs personnages se mêlent et s'entrechoquent. Williard Russell, rescapé de l'enfer du Pacifique, revient au pays hanté par des visions d'horreur. Lorsque sa femme Charlotte tombe gravement malade, il est prêt à tout pour la sauver, même s'il ne doit rien épargner à son fils, Arvin.

Carl et Sandy Henderson forment un couple étrange qui écume les routes et enlève de jeunes auto-stoppeurs qui connaîtront un sort funeste. Roy, un prédicateur convaincu qu'il a le pouvoir de réveiller les morts, et son acolyte Théodore, un musicien en fauteuil roulant, vont de ville en ville, fuyant la loi et leur passé.

Toute d'ombre et de lumière, la prose somptueuse de Pollock contraste avec les actes terribles de ses personnages violents et malgré tout attachants.


Mon avis :

Ce récit fictif fascinant, écrit d'une main adroite, mérite une médaille d'or en matière de "récit dérangeant et dépravé". Inébranlable dans sa prestation, Donald Ray Pollock nous donne un aperçu du monde, à travers une galerie de personnages aussi réalistes que grotesques. 

Ce qui ressort, c'est la facilité décontractée avec laquelle la violence et le carnage sont servis, sans fioritures, sans chichi, rendant cette intrigue sombre acceptable d'une manière étrange et déconcertante. Cela ne veut pas dire que la réalité que ces gens appellent la vie est facile à digérer, surtout pour ceux d'entre nous qui ont une boussole morale; alors préparez-vous. Parfois, leurs décisions sont nées du désespoir et d'autres fois, c'est le mal pur qui est à la manette, ou le diable tout le temps, si vous voulez. Le plus troublant est la rationalisation tordue qui a tendance à se produire dans l'esprit - la justification de cet acte, quel qu'il soit, et donc, le lien qui se crée avec celui qui le commet.


"C'est difficile de bien agir, dit-il. On dirait que le diable n'abandonne jamais."

Il y a le mari avec l’autel de fortune, au fond des bois, où le sang est versé au nom du sacrifice. C’est la seule façon dont ce mari dévoué trouve pour sauver sa femme. Et son fils, changé à jamais par les horreurs sanglantes dont il a été témoin, était le seul et unique personnage réellement attachant.

Le plus effrayant de tous, le pasteur itinérant qui prétend que la foi seule l'a aidé à surmonter sa peur très réelle des araignées. (scènes très graphiques avec des araignées, arachnophobes passez votre chemin!)

Ensuite, il y a le mari et la femme qui passent leurs «vacances» à la traîne de l’autoroute pour des «modèles». Elle est l'appât pour le prochain homme jugé assez chanceux pour satisfaire le photographe sadique et sa quête incessante de la photo parfaite.

Il y a une foule de morts qui jallonent le récit, des morts banales ou violentes, ayant une cause ou juste absurdes. Il y a aussi plein de destructions et d'actes pervers reliant deux petites villes de l'Ohio et de la Virginie-Occidentale, et la façon dont l'auteur compose les multiples intrigues ensemble est choquante dans sa perfection. 

Une chose est sûre, on ne sort pas indemne de ce roman. Il faut être possédé pour écrire un tel récit, et encore plus pour s'en délecter comme je l'ai fait :D


Mot de la Fin : 

Un roman noir, très noir, glauque et sans merci. Âmes sensibles s'abstenir. Pour les autres, ne vous en privez pas, un régal ! Parole d'une liseuse en série.






Immortel de JR. Dos Santos : Le premier immortel serait-il né?

 

Titre original : Imortal
Date de Parution : 24/09/2020
Editeur : HC Editions
Nombre de pages : 560

Résumé : 

Après avoir annoncé la naissance de deux bébés génétiquement modifiés, un scientifique chinois disparaît. La presse internationale commence à poser des questions, les services secrets tentent de trouver des réponses, un homme contacte Tomás Noronha à Lisbonne. Celui qui se présente comme un scientifique travaillant pour la DARPA, l’agence pour les projets de recherche avancée de la Défense américaine, a besoin du célèbre cryptologue pour retrouver le savant disparu. Tomás découvre alors les véritables enjeux du projet secret chinois...
Pour le grand retour de Tomás Noronha, le héros de La Formule de Dieu, J. R. dos Santos a choisi le sujet qui est dans toutes les têtes : l’intelligence artificielle. L’humanité touche-t-elle à sa fin ou fait-elle face à un nouveau départ ? Sur la base des recherches les
plus avancées, J. R. dos Santos nous dévoile l’extraordinaire destin de l’humanité. Il nous démontre avec toujours autant de sérieux que la science est sur le point d’atteindre sa plus grande réalisation : la mort de la mort. Bientôt, nous serons… Immortels.


Mon Avis : 

Ce roman est une aubaine pour les gens passionnés des thèmes de l'intelligence artificielle, l'avenir de l'humanité, la cyborgisation de l'homme, et toutes les folles avancées technologiques qui ne cessent de nous épater ou nous effrayer.

Fidèle à lui-même et à son métier de journaliste, Dos Santos nous livre ici des exposés scientifiques intéressants qui dénotent comme d'habitude de sa rigueur en matière de recherches et sa forte capacité de synthèse. Vous avez peut-être lu quelques bribes d'articles par ci ou par là, mais l'auteur a le talent d'agencer les différentes informations (et là, la quantité est énorme) selon une méthodologie précise et de vulgariser au maximum.

Au lieu de lire des articles ou des des essais qui risquent de vous ennuyer sur ces sujets, plongez-vous dans Immortel, les informations sont apportés sous formes de dialogues (ce qui passe franchement mieux) et le tout est encadré par une intrigue sous forme d'une course poursuite. Le style de l'auteur est très accessible, et il a toujours cette capacité de simplifier les notions les plus compliquées et de rendre les sujets les plus techniques compréhensible pour le grand public, un effort que je salue toujours et qui se confirme dans son dernier.

Ceci-dit, ne lisez par ce roman si vous cherchez une intrigue haletante ou des twists bouleversants, je pense que ce n'est pas l'objectif du livre. Ne lisez pas ce roman aussi si vous ne supportez pas l'étalage de connaissances ou le Deus Ex Machina, parce qu'il y en a, et même beaucoup. Personnellement ça ne me gène pas du tout parce que je suis déjà fan de l'auteur et de sa façon particulière de faire. J'adore les exposés historiques/scientifiques notamment quand le thème me passionne. Ici toutes les thématiques sont chères à mon coeur, pour mon plus grand bonheur. 

Je pense que même si vous n'avez jamais rien lu à propos de la Singularité, des manipulation géniques, de l'intelligence artificielle générale, ce roman est une excellente introduction qui peut vous conduire vers des lectures et des sources plus approfondies.

Au contraire des romans de science-fiction qui ont traîté du sujet, toutes les informations (ou presque) sont authentiques, ce qui par moment, est vraiment effrayant!

Ce roman est une porte ouverte vers les réflexions. Comme la Formule de Dieu son roman le plus connu, Dos Santos nous donne des réponses au "pourquoi" tout en parlant du "vers quoi", une façon brillante de nous amener à réfléchir. 

Personnellement, j'ai préféré Immortel. Je l'ai trouvé plus sobre, et le sujet m'est plus proche. Ceci dit, la structure est quasiment la même. Si vous aimez l'un, vous aimeriez sans doute l'autre.

Pour finir, Ce roman a eu sur moi un étrange effet anxiolytique : au lieu de réfléchir sur l'actualité déprimante, le terrorisme, les crimes de haine, le covid-19...il vaut nettement mieux réfléchir à la définition et à l'avenir de l'homme, un avenir sans maladie et peut-être sans mort, du moins dans les pays développés. Il n'y a toujours pas de place pour le tiers-monde dans ce genre de débats, et pour cause :D ! 

Un roman qui se dévore en quelques heures, très léger malgré la complexité des thématiques. Du pur bonheur surtout pour les passionnés!


Mot de la fin :

Si vous êtes fan de Dos Santos, précipitez-vous sur Immortel. Si vous avez aimé Homo Deus de Harrari ou les documentaires comme Alphago et the Social Dilemma, faites de même, vous ne serez pas déçus!





dimanche 23 août 2020

Les Meurtres de Molly Southbourne de Tade Thompson : Molly ou molly, c'est la Question!


Titre Original : The Murders of Molly Southbourne
Date de parution : 18 Avril 2019
Éditeur: Le Bélial
Nombre de pages : 113





Quatrième de Couverture : 

Molly est frappée par la pire des malédictions. Aussi les règles sont-elles simples, et ses parents les lui assènent depuis son plus jeune âge: 
 "Si tu vois une fille qui te ressemble, cours et bas-toi. 
 Ne saigne pas. 
 Si tu saignes, une compresse, le feu, du détergent. 
 Si tu trouves un trou, va chercher tes parents.

Molly se les récite souvent. Quand elle s'ennuie, elle se surprend à les répéter sans l'avoir voulu... Et si elle ignore d'où lui vient cette terrible affliction, elle n'en connaît en revanche que trop le prix. Celui du sang. 


Mon avis : 


J'avoue que j'étais d'abord très attirée par la couverture! Après, le contenu a heureusement répondu à toutes mes attentes. 

Je ne vais pas vous parler de l'intrigue, le récit est court et on tomberait facilement dans le spoil. 

Les Meurtres de Molly Southbourne est principalement racontée du point de vue de Molly à la troisième personne, mais est encadrée au début et à la fin par deux chapitres racontés à la première personne du point de vue d'un personnage sans nom enchaîné dans un sous-sol. Ce que nous ne savons pas, c’est pourquoi, ni à quoi mènera cette ouverture.. 
Cela conduit Molly à raconter son histoire, une histoire marquée de sang, de meurtres, de meurtres qui ressemblent à des suicides, et de fatalités…. 

Les Meurtres de Molly Southbourne est une nouvella extrêmement vive, écrite d'une manière très "visuelle". 
C'est une histoire de traumatismes, d'absence de choix, d'être un danger pour soi-même.. Mais c'est avant tout une histoire de survie. Ou comment essayer de contrôler quelque chose à la fois intime et inexplicable. 

Pendant que je lisais, j'étais à un moment frappée par un doute : cette histoire pourrait être une parabole de la maladie mentale. Le danger pour vous vous ressemble exactement. Cela vient de l'intérieur de vous. Cela peut détruire vos relations. Vous avez du mal à le contrôler. C'est à la fois incompréhensible et inéluctable. Je ne prétends pas saisir la symbolique exacte, et je n'ai pas trop cherché au-delà du plaisir de la lecture. 

Ce récit est poignant, original, convaincant. La novella fait une centaine de pages et se lit très rapidement. Faites-moi confiance, remerciez-moi plus tard. 


Mot de la fin : 


Un RÉGAL ! Je suis entièrement conquise! Un grand merci aux édition Le Bélial, le livre est un petit bijou. 



samedi 8 août 2020

Le problème à Trois Corps de Liu Cixin : Le nouveau classique SF est enfin là!

Titre original: San Ti 
Traduit du chinois par: Gwennaël Gaffric
Date de parution: 5/10/2016
Éditeur: Actes Sud
Nombre de pages: 496
 


Résumé (sans soiler) : 

En pleine Révolution culturelle, le pouvoir chinois construit la base militaire secrète de Côte Rouge, destinée à développer une arme de grand calibre. Ye Wenjie, une jeune astrophysicienne en cours de “rééducation”, intègre l’équipe de recherche. Dans ce lieu isolé où elle croit devoir passer le restant de sa vie, elle est amenée à travailler sur un système de télétransmissions dirigé vers l’espace et découvre peu à peu la véritable mission de Côte Rouge…

Trente-huit ans plus tard, alors qu’une étrange vague de suicides frappe la communauté scientifique internationale, l’éminent chercheur en nanotechnologies Wang Miao est témoin de phénomènes paranormaux qui bouleversent ses convictions d’homme rationnel. Parmi eux, une inexplicable suite de nombres qui défile sur sa rétine, tel un angoissant compte à rebours…

Hugo 2015 du meilleur roman, Le Problème à trois corps est le premier volume d’une trilogie culte d’une ambition folle.

Mon avis: 


Ce roman de science-fiction acclamé par la critique mérite certainement ses lauriers.

"Extrêmement imaginatif, vraiment intéressant ..." a ainsi proclamé Barack Obama à propos de cette trilogie. Après avoir lu ce livre, je suis déjà entièrement d'accord. Le problème à trois corps est un roman contemporain de Hard SF unique et original, tout en restant entièrement plausible. Alliant science du monde réel, histoire, philosophie, religion, écologie et idées fantastiques, ce roman livre un récit magnifiquement écrit (et traduit) qui engage l'esprit, le cœur et l'âme.

L'histoire commence dans le contexte de la folie de masse qui a accompagné la révolution culturelle chinoise, qui a fourni un fond réaliste pour l'intrigue centrale. Le récit combine à la fois des événements du temps présent et des flashbacks pour fournir l'histoire d'un personnage majeur qui a souffert pendant cette période d'effusion de sang. 
La développement des personnages est relégué au second plan au profit de l'intrigue, mais j'ai tellement apprécié le déroulement de l'histoire et le côté scientifique que cela ne m'a pas du tout dérangée. 

Si la présence en premier plan de nombreuses théories physiques (allant de la physique quantique à l'astrophysique au problème à trois corps en lui-même) a gêné plus qu'un, ça a plutôt enchanté la passionnée que je suis. Je sentais presque "physiquement" mes méninges se réveiller, creuser dans ma mémoire et mes anciennes connaissances, et si j'ai tiqué sur "la physique n'existe pas", l'auteur a su me prendre dans son jeu et me convaincre de continuer. Et, mon Dieu! Que le jeu en valait la chandelle! 

Il est également assez effrayant de voir à quel point je m'identifie à l'idéologie présentée dans ce roman stimulant. L'humanité mérite-t-elle le salut avec toute la destruction qu'elle a représentée et qu'elle continuera à perpétrer vis-à-vis de cette merveilleuse planète? Y a-t-il un espoir pour l'Homme? Quand on regarde toutes ces guerres affligeantes, ces conflits rageants partout dans le globe, toute cette haine, ces injustices, ces famines, ces espèces éteintes par notre main, ce réchauffement climatique, peut-on encore croire? et en quoi croire? 
Ce roman est l'un des plus révélateurs qu'il m'ait été donné de lire! Les passages décrivant planète Terre comme un paradis, un printemps éternel, le privilège d'avoir des cycles solaires réguliers propices à la vie, toutes ces petites choses sur laquelle on s'attarde pas, et qui sont si précieuses!

Au-delà du plaisir que j'ai pris en la lisant, cette histoire m'a chamboulée sur plus d'un plan: Mon cynisme, mon passé communistes, mes tendances pacifistes et humanitaires, mon anxiété quotidienne, mes inquiétudes mondaines...tout est à analyser, et à nuancer!

Comme la plupart des bons livres, le pouvoir de ce roman réside dans son récit immersif ainsi que dans la connaissance (et peut-être la compréhension) qu'il apporte à son lecteur. Ce nouveau classique de la science-fiction introduit les lecteurs à un tout nouveau monde, mais pour les lecteurs occidentaux et africains, ce tout nouveau monde peut être la Chine elle-même.
Oui, c’est de la science-fiction, mais lire le roman donne aussi l’impression d’avoir un aperçu d’un pays qui nous est mystérieux et, souvent, incompris. Je ne peux que saluer la brillante traduction de Gwennaël Gaffric. Je savais que je lisais un roman en français, mais l'origine du roman était présente, son authenticité intègre, jusqu'aux petits détails du chinois originel.


J'ai choisi d'écrire une critique plutôt courte simplement parce qu'une partie de mon plaisir provenait de savoir le moins possible de l'intrigue, je vous conseillerais même de ne pas lire beaucoup de retours et juste de vous plonger. Il était opportun que j'ai été une fervente passionnée de la physique fondamentale, car cela a aidé ma compréhension du côté scientifique assez développé. Il n'est toutefois pas nécessaire de vraiment connaître ou de comprendre pleinement les détails techniques pour apprécier l'histoire. 

Cependant, si vous êtes un fan de science, qui aimera voir l'application de ces théories fondamentales dans une histoire captivante, rendez-vous service et lisez ce livre le plus tôt possible!


Mot de la fin:

Le meilleur roman Science-fiction que j'ai lu ces dernières années depuis Dune de Franck Herbert! Je n'en dis pas plus!








vendredi 19 juin 2020

Une Cosmologie de Monstres de Shaun Hamill : L'horreur autrement!



Titre original : A Cosmology of Monster
Date de parution : 02/10/2019
Editeur : Albin Michel Imaginaire
Nombre de pages : 416



Quatrième de Couverture : 

« Dans Une Cosmologie de monstres, Shaun Hamill allie brillamment les univers angoissants de H.P. Lovecraft avec l’histoire contemporaine d’une famille menacée de destruction par des forces surnaturelles. Il réussit son coup, parce que ces braves gens pourraient être nos voisins. L’horreur ne fonctionne que lorsque nous nous attachons aux personnes concernées  ; nous nous attachons aux Turner, et leurs cauchemars deviennent les nôtres. La prose de Hamill est sobre, tout simplement belle. Voilà à quoi ressemblerait un roman d’horreur signé John Irving.
J’ai adoré ce livre, et je pense qu’il vous plaira aussi. » Stephen King

La Famille Turner, de Vandergriff (Texas), se tient sur le seuil d'un monde terrifiant dominé par une cosmologie de monstres. Est-ce le leur ou est-ce le nôtre ?


Mon avis : 

Je me suis mis à collectionner les lettres de suicide de ma sœur Eunice à l’âge de sept ans. »

Et ça, mes amis, c'est une pu***n de première phrase! On est déjà intrigué, on se pose des questions, c'est gagné! Bravo l'auteur!

Noah Turner voit des monstres. Son père les a vus, et leur a construit un sanctuaire avec la Tombe puis Promenade au coeur des Ténébres, une expérience d'horreur immersive que toute la famille exploite. Le reste de la famille Turner a aussi des expériences avec les monstres, mais Noah choisit de les laisser entrer ...

Êtes-vous un fan de Stranger Things? De Lovecraft? de l'horreur littéraire? Si vous avez répondu oui à au moins une de ces questions, vous devez courir chercher ce roman.
Un vrai hommage à Lovecraft, l'ambiance, l'attente, et chaque partie a le titre d'un de ses livres les plus connus! Cependant, vous n'avez pas besoin d'avoir lu un Lovecraft pour apprécier celui-ci! L'auteur se distingue clairement de son idole par la finesse de sa plume, et par le travail fait sur les personnages. 

On n'a pas toujours besoin de s'attacher aux personnages pour qu'un roman d'horreur soit réussi, mais quand vous vous en souciez vraiment, les enjeux sont augmentés. La famille Taylor était à la fois ordinaire et bizarre, intéressante, attendrissante, et elle me manque toujours. Eunice, en particulier, s'est démarqué. J'ai trouvé son histoire déchirante. Et là, on passe de l'influence de Lovecraft à l'influence de King. Cette impression de connaître cette famille, qu'on suit à travers le vécu de Noah, le vécu qui commence dans le ventre de sa mère, non, même avant! Un procédé narratif très original qui a rendu l'expérience de lecture plus immersive. Encore un point! 

Je mettrais ce livre dans la catégorie très soft en termes d'horreur, il n'est pas créé pour vous terrifier. C'est plus un drame familial jalonné de monstres.. une histoire d'amour aussi, quoi que...



Le King avait raison, Shaun Hamill est un écrivain d'enfer, et j'ai hâte de lire son prochain!


Mot de la fin : 

Un coup de génie surtout pour un premier roman! Un roman qui vous donnera plus d'émotions que de cauchemars. Le sort de cette famille vous hantera longtemps! à recommander aussi bien aux fans du genre qu'aux néophytes!