jeudi 19 octobre 2017

Un Moindre Mal de Joe Flanagan: Simplement Superbe!


Titre original: Lesser Evils
Editeur: GALLMAISTER
Date de parution: 06/04/2017
Nombre de pages: 470

Résumé:

Cape Cod, 1957. Dans cette petite communauté tranquille, une série de meurtres d’enfants paralyse la population. Une famille disparaît dans d’étranges circonstances, un homme se fait violemment tabasser et refuse de dénoncer ses agresseurs. Le lieutenant Warren, de la police locale, découvre la difficulté de mener à bien son enquête dans un service corrompu. Sa position devient intenable quand arrive dans la région Stasiak, officier légendaire de la Police d’État aux pratiques douteuses. Destitué de ses dossiers, Warren comprend vite que résoudre ces affaires n’est pas ce que recherche ce flic brutal et manipulateur. Pourtant il ne peut rester en retrait de ce chaos, au risque d’y perdre sa place, sa réputation et peut-être beaucoup plus.


Avis de Atef:

Peut-on encore écrire dans le registre du roman noir de nos jours sans tomber dans la formule toute faite ou le déjà vu/lu ? L'exercice semble d'autant plus périlleux qu'il s'agit peut-être du genre le plus codifié qui existe et le plus enclin à tomber dans sa propre caricature. C'est pourtant le genre qu'a décidé d'aborder le nouveau venu Joe Flanagan pour son premier roman, ce Lesser Evils (en VO), encensé un peu partout par les critiques et les lecteurs. Tellement encensé d'ailleurs que l'éditeur s'est empressé de joindre au livre un bandeau publicitaire du Publisher's Weekly qui le compare à rien de moins que le L.A Confidential d'Ellroy, transposé à Cape Cod. Si la pratique est très courante, il convient d'emblée de lever la confusion: les deux romans partagent bien évidemment les grandes lignes : Police corrompue, journalistes troubles, crimes mafieux, inspecteurs incorruptibles...  mais encore une fois, ils ne sont pas propres au roman d'Ellroy mais constituent des passages quasi obligés pour tout roman noir ''classique'' qui se respecte. 

   Classique, le roman de Flanagan l'est jusqu'à la moelle. Et ceci dans tout ce que le terme implique de meilleur puisque l'auteur fait preuve d'une maîtrise saisissante dans le déroulement de son intrigue et la gestion de son suspense. Fort d'une documentation exhaustive, Flanagan entraîne son lecteur le long d'une enquête aux prémices simples mais aux ramifications inattendues sans que jamais l'on perde le fil tout en redonnant toute sa place à l'investigation -élément malheureusement trop peu présent dans les écrits actuels-. L'histoire est donc dense, riche en rebondissement et surtout, rondement menée sans grossiers artifices et, en cela, le défi est amplement relevé. Plus encore, Flanagan a le bon sens de donner toute la place nécessaire à ses personnages pour exister, y compris la légion de seconds rôles, brossant ainsi une mosaïque  de profils différents et passionnants. Par ailleurs, l'histoire est articulée autour d'un duel entre deux fortes têtes aux antipodes l'un de l'autre, le lieutenant Warren et l'officier Stasiak dont les affrontements jalonneront le récit et serviront de moteur à l'avancement de l'enquête.   

   Pour autant, l'auteur ne s'en remet pas uniquement à l'efficacité de son enquête mais affiche une belle ambition en délocalisant celle-ci loin du cadre trop usité de L.A vers Hyannis, une bourgade à Cape Cod. Un choix potentiellement casse-gueule mais que Flanagan utilise à son avantage et transforme en atout non négligeable tant il apporte une originalité inattendue à un genre ultra balisé. Le roman se fend donc d'une belle dimension sociale à travers son regard sur une certaine Amérique communautaire encore empêtrée dans ses croyances religieuses tout en étant profondément discriminatoire (le fils attardé du héros, le couple homosexuel, le racisme ordinaire de la police locale...). Tout ceci est amené avec une plume fine, authentique et qui sait se montrer incisive quand il le faut. A ce titre, le final d'une centaine de pages, riche en adrénaline est furieusement réussi. 


  Avec ce somptueux premier roman, Joe Flanagan s'impose d'emblée comme un auteur de polar doué avec lequel il faudra dorénavant compter. 


ATEF ATTIA

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