jeudi 19 novembre 2020

Inépuisable de Vivian Gornick : Notes d'une relectrice chronique

 

Titre original : Unfinished Business
Date de parution : 07/10/2020
Editeur : Payot Rivages 
Nombre de pages : 136 pages


Résumé : 

Dans ce nouveau livre, Vivian Gornick revient sur les auteurs qui ont marqué sa vie, lus et relus à différentes périodes. L'occasion pour elle de combiner son génie de lectrice et sa capacité à se raconter.
C'est la première fois que le public français pourra apprécier un de ses talents majeurs, la critique littéraire, après avoir plébiscité son travail autobiographique. A ses côtés, on arpente sa bibliothèque intime - Colette, Duras, Doris Lessing, etc. - et, en pointillés, son existence.
Un livre singulier, qui pétille d'intelligence et d'humour.


Mon avis : 

Je vais commencer par la fin. Quand je suis arrivée à la fin de cette collection d'essais littéraires ma première pensée était que j'aimerais beaucoup recevoir Vivian Gornick pour le dîner. Au-delà de son talent d'écriture, c'est une personne très intéressante. Elle et moi n'avons presque rien en commun en ce qui concerne la lecture ou la relecture, mais ça ne m'a pas empêché d'apprécier sa critique littéraire, et je n'ai pas lu un recueil de critiques aussi intéressant depuis Feu Harold Bloom. 

Pour donner un exemple sur mes divergences avec l'autrice : elle est juste très, très centrée sur les personnages, s'identifiant (trop peut-être) à eux et interprétant leurs actions comme on le ferait pour de vraies personnes faisant des choix. Par contre, personnellement, si j'ai des personnages préférés et que j'exige des personnages bien développés dans un roman, je lis plus pour le thème, le mouvement, le développement et le langage. Parfois, juste pour la poésie ou la puissance du récit. Je suis consciente que les personnages sont les vecteurs d'une certaine philosophie ou d'un certain point de vue qui était important pour l'auteur, je pense toujours à l'auteur! 

Reconnaître cette différence dans la façon dont nous abordons nos lectures était aussi intéressante : que nous pourrions lire le même livre ou regarder la même page et en obtenir quelque chose de complètement différent, selon le lecteur, c'est magnifique! Mais cela me distançait un peu de l'autrice ici, je ne me suis pas sentie très emportée et je ne me suis pas ruée sur le Dickens ou le Lessing pour le relire. Ceci-dit, Gornick a su me convaincre de relire Hardy et son Jude Obscur, parce qu'elle m'a apporté une nouvelle perspective sur les personnages principaux. Le passage avec les chats était juste hilarant et très attendrissant. 
Vivian Gornick a une sensiblité à fleur de peau mêlée à une maturité cinglante, et ce mélange m'a beaucoup séduite.


Mot de la fin :

Je sais maintenant plus que jamais qu'il existe de nombreuses façons de lire et de relire. Et je pense que si j'invite Vivian Gornick à dîner, je ne ferais que l'écouter. Un livre qui parle de livres, on adore, et surtout quand il est aussi intelligent! 



lundi 9 novembre 2020

Le Calligraphe de Hisaki Matsuura : Rêve ou Cauchemar?

Titre original : Tomoe
Date de parution : 07/10/2020
Editeur : Payot et Rivages
Nombre de pages : 300




Résumé : 

Otsuki, un ancien toxicomane qui a décroché de l'université et se laisse entretenir par des maîtresses, vit une existence de parasite à Tokyo. Une rencontre fortuite avec un ancien collègue le mène à accepter un emploi auprès d'un mystérieux maître calligraphe.
Otsuki plonge petit à petit dans un cauchemar labyrinthique, à travers les bas-fonds miteux d'un enfer urbain peuplé de personnages troubles et criminels.
Un univers étrange et sensuel qui évoque Murakami, Edogawa Ranpo, Kyotaro Nishimura ; une écriture poétique qui mène une réflexion métaphysique sur la calligraphie, la sexualité et le temps.


Mon avis:


Intrigant, sombre, claustrophobe, le Calligraphe de Hisaki Matsuura ressemble beaucoup à un mauvais rêve pendant que vous le lisez. Alors que le nihiliste Otsuki trébuche sur ce qui peut ou non être un complot conçu pour le piéger, son Tokyo noir devient de plus en plus surréaliste. 

Aucune des personnes impliquées n'est ce qu'elle semble être, aucune d'entre elles n'a à l'esprit ses meilleurs intérêts; mais là encore, il n'a pas vraiment ses propres intérêts en tête lui non plus. 
Il est attiré par une offre d'emploi mystérieuse autour d'un film pornographique pas comme les autres, puis devient obsédé par une jeune fille (qui n'est peut-être pas si jeune après tout), puis se trouve tour à tour témoin et victime. Il retourne encore et encore sur les lieux du crime même s'il sait qu'il devrait fuir, attiré contre son gré, et il se noie dans une spirale de terreur melé au désir avec un brin d'auto-destruction. Il ne sert à rien de faire demi-tour.

Je ne pourrais pas dire que c'est une lecture agréable, mais si le désagrément ne vous rebute pas et que ce qui précède semble intrigant, cela pourrait être pour vous. C'est comme une rencontre entre Dennis Cooper et Haruki Murakami. Si ce dernier est l'écrivain de l'onirique, Matsuura serait celui du cauchemardesque. Si ce roman serait un film, il serait certainement un Lars Von Trier, dérangeant, des fois incompréhensible, mais beau. 

Certainement pas pour tout le monde, mais si vous êtes adepte de littérature japonaise, si vous avez lu et aimé Haruki Murakami, Ryu Murakami ou encore Kobo Abe, ce livre est pour vous! Si vous aimez sortir de votre zone de confort et que ça vous dit d'essayer ce qui ressemble à un trip de héroïne littéraire, jetez-vous sur le Calligraphe, une lecture que vous ne serez pas près d'oublier. 


Mot de la fin:

Une expérience de lecture unique. Je ne regrette absolument pas cette aventure, et je vous invite à vous embarquez, si vous vous en sentez capable!