mardi 14 février 2017

Kind of Black: Quand le polar rencontre la musique





Oui oui j'ai donné un cinq étoiles (chose qui arrive très rarement). Ce livre m'a réconciliée avec mes premiers amours, le piano et le Jazz, et il l'a fait d'une manière...que je ne pouvais faire autrement!


Quatrième de Couverture:


À Paris, rue Saint-Benoît, il y a quelques années. Ce soir-là, le Night Tavern affiche complet. Ce temple parisien du jazz, club incontournable où les plus grands se sont déjà produits, annonce un concert étonnant. Sarah Davis, diva incontestée du milieu et star montante d'un important label américain, vient se produire avec Stan Meursault, l'un des pianistes virtuoses les plus doués de sa génération. L'affiche est idéale et le moment suffisamment rare pour attirer la presse. Tout le monde s'attend à une soirée exceptionnelle. Personne ne sera déçu. Sarah Davis ne sait pas encore qu'elle vient en France pour la dernière fois, et qu'elle ne chantera plus jamais. Le Night Tavern sera le dernier club où elle aura été vue vivante. Stan Meursault ne sait pas, lui, qu'il va rencontrer son admirateur le plus inattendu : le flic chargé de l'enquête. Ensemble, ils lèveront le voile sur ce meurtre étonnant. Et cette affaire leur rappellera que si le jazz est une musique improvisée, certaines fins sont écrites d'avance...



Mon avis:


Abandonnant Tonton le truand et ses pérégrinations, Samuel Sutra nous invite à plonger dans un univers qu’il connait bien : le JAZZ.  Car Kind of Black, dont le titre ne peut qu'être un clin d’œil à Miles Davis (Kind of Blue) est un mélange irrésistible de polar et de musique.

"Tu ne veux pas me faire écouter du Jazz,dis? Du Jazz qui me ferait aimer le Jazz?" Lire Kind of Black c'est déjà écouter du Jazz qui fait aimer le Jazz.
   
Stan Meursault, pianiste de jazz émérite mais maudit, habite dans un petit studio où le piano dévore tout l'espace. Il n'est pas à la recherche du succès, pour lui on ne vit pas de la musique, c'est la musique qui vit de nous.

Pour ce pianiste talentueux mais qui n'a jamais percé, c’est le grand jour. Il va jouer à coté de la Diva Sarah Davis au Night Tavern, le club de jazz où il joue chaque soir.

Sarah Davis, c’est la star montante du Jazz, mais aussi le grand amour de Stan qui l'a quitté il y a dix ans pour l'argent et la gloire, étant partie aux USA pour faire carrière et n’étant pas revenue depuis.

Stan a aussi obtenu le privilège de pouvoir enregistrer, grâce à un magnétophone astucieusement dissimulé, ce concert à des fins d’exploitation.

Tous les amateurs du Jazz sont là, la soirée risque d’être mémorable. Et elle l’est effectivement, mais pas dans le sens où les spectateurs l’entendent.

Stan entame de ses doigts déliés l'introduction d'If you wait too long, le tube de la chanteuse à succès, mais point d’apparition. Et pour cause; Sarah se trouve dans sa loge, un poignard dans le cœur.

Jacques est le policier qui sera chargé de l'enquête. Sa passion pour le Jazz sera un atout majeur pour lui. Plus jeune, il a appris la musique, joué en dilettante, mais n’a jamais vraiment été jusqu'au bout de ses envies. Bien qu'il soit en vacances, il accourt pour interroger les présents sur la scène du crime; à savoir Victor March, le patron de la boîte, Marianne, la serveuse amoureuse de Stan, le technicien du son, les musiciens et le pianiste Stan Meursault qu’il connait de réputation et à qui il voue une admiration frôlant l’idolâtrie. Et ce, dans l'absence suspecte de Blake l'agent et le petit ami de la Diva.

Côté intrigue, eh bien rien à redire, construction en béton, plusieurs possibles coupables, on enquête, on découvre, on élimine, on ajoute à sa liste un suspect auquel nous n'aurions pas pensé quelques pages plus haut. Bref le plaisir de lire un polar de qualité.

Les personnages sont justes et touchants sans artifices. Du pianiste doué et solitaire au flic qui aurait aimé être musicien. Les personnages secondaires sont eux aussi finement dépeints.

Voilà qui est déjà suffisant pour un bon polar avec une mention originale pour l'ambiance et le contexte. Mais là ne sont pas les seuls attraits de ce livre.

Le lecteur habitué à ce genre de roman de suspense devinera probablement l’identité du ou de la coupable, ou même l'épilogue, ça ne gâchera rien le plaisir de la lecture car il ne s'agit pas seulement de "whodunnit". Ici, ce qui importe, c’est la bande-son qui imprègne l’ouvrage.

Samuel Sutra nous joue une chanson aérienne, la prose est tout simplement belle et pleine d'émotions. Je n'ai jamais relevé autant de citations d'un polar, et quand le livre en question fait seulement 200 pages, c'est vous dire!!

On est pris dans la mélodie, l'auteur prend son temps, ne déroule pas les notes à la va-vite car "la nuance est plus importante que la vitesse". Il crée une ambiance feutrée, moite, où le rythme nous emporte plus loin que l'intrigue elle-même. On entend le son des cordes frappées du piano, les plaintes des touches, la vibration de la contrebasse...

Ce livre est écrit par un amoureux du Jazz, par un connaisseur aussi, les références artistiques foisonnent, et rien que pour ça, tout musicien ou fan ne peut que l'apprécier. Il y a même une playlist à la fin du roman avec des albums épiques que j'ai savourés (et que j'écoute là, en écrivant ma chronique).
Néanmoins, l'auteur ne se gargarise pas d’un jargon spécifique, mais reste simple et sobre, mettant sa passion à la portée de tous les lecteurs.

Bref, un excellent policier bien noir à la sauce jazzy! Qui pourrait résister? Pas moi!

Que vous soyez amoureux de la musique ou pas, Je vous invite tous à vous pencher sur cette partition qui ne laissera personne indifférent.


PS: J'ai lu ce roman en une seule journée, et il m'a fait oublier la fièvre et les maux de gorge. Merci aux éditions Flamant Noir de m'avoir permis de découvrir cette perle, et d'avoir nettement amélioré ma journée ☺


Extraits:


"Aujourd'hui, c'est juste Saint-Germain. C'est huppé à n'en plus pouvoir. Tout passe, tout lasse, sauf la lutte des classes [...] Il y a l'ombre de Sartre un peu partout et la trompette de Vian résonne encore comme un écho refusant de faiblir"

"Le jazz. C’est une musique peuplée de morts. On vit à une époque où le plus gros vendeur de disques est un DJ, où ceux qui font les plus grosses carrières chantent en play-back des titres qu’ils n’ont pas écrits et dont ils ne comprennent même pas le sens. Mon univers à moi est peuplé de gars qui ont vécu dans la misère et dont on n’a découvert le nom souvent qu’après leur mort. C’est presque un univers posthume. Je crois que c’est Nietzsche qui disait ça, que certains naissent posthumes."

"Je me perds dans cette voix, l'esprit soudain triste. Je me dis que la mort n'est pas le contraire de la vie. Le contraire de la naissance, à la rigueur. Mais rien n'est le contraire de la vie. La vie est, ou n'est plus lorsque la mort la prend."





2 commentaires:

  1. Vainqueur du prix du balai d'or 2014,un très grand roman et un super souvenir de lecture, bravo pour votre blog.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci pour votre passage autographiliste. Je ne savais pas qu'il était lauréat du balai d'or. C'est bien mérité.

      Supprimer